L’émulation, c’est légal ?
L’émulation, un sujet souvent débattu dans les cercles technologiques et de jeu vidéo, se situe à la croisée de l’innovation technologique et des droits de propriété intellectuelle. L’émulation fait référence à la reproduction du fonctionnement d’un système informatique ou d’un logiciel sur un autre système. Cet article explore les aspects légaux de l’émulation, ce qui est permis et ce qui ne l’est pas, en détaillant les lois et les jurisprudences pertinentes.
Qu’est-ce que l’émulation ?
L’émulation consiste à utiliser un logiciel (appelé émulateur) pour imiter le fonctionnement d’un autre système, généralement plus ancien ou obsolète. Cela permet, par exemple, de jouer à des jeux vidéo classiques conçus pour des consoles anciennes sur un ordinateur moderne ou un appareil mobile.
Les fondements légaux de l’émulation
Les aspects légaux de l’émulation sont principalement régis par les lois sur la propriété intellectuelle, notamment le droit d’auteur et le droit des brevets. Voici quelques points clés :
Droit d’auteur :
- Logiciel d’émulation : Les logiciels d’émulation eux-mêmes sont légaux tant qu’ils ne contiennent pas de code protégé par le droit d’auteur appartenant à un tiers sans autorisation. Par exemple, un émulateur développé à partir de zéro, sans utilisation de code propriétaire, ne viole généralement pas le droit d’auteur.
- BIOS et Firmware : Les systèmes émulés utilisent souvent des BIOS ou firmwares spécifiques protégés par le droit d’auteur. Utiliser ou distribuer ces BIOS sans autorisation constitue une violation du droit d’auteur. Cependant, certains émulateurs contournent ce problème en utilisant des BIOS créés de manière indépendante (projets open source) ou par rétro-ingénierie.
Droit des brevets :
- Les émulateurs peuvent également enfreindre des brevets si les technologies qu’ils reproduisent sont protégées par des brevets actifs. Cependant, les brevets ont une durée de vie limitée (généralement 20 ans), après quoi les technologies brevetées tombent dans le domaine public.
Ce qui est permis
Développement d’émulateurs :
- Créer et distribuer des émulateurs est légal tant qu’ils ne contiennent pas de code protégé par le droit d’auteur ou ne violent pas de brevets actifs. Les développeurs doivent s’assurer que leur logiciel est original ou basé sur des technologies qui ne sont plus protégées.
Utilisation de BIOS indépendants :
- Les utilisateurs peuvent utiliser des BIOS créés de manière indépendante qui ne violent pas le droit d’auteur. Certains projets open source fournissent de tels BIOS en toute légalité.
Rétro-ingénierie :
- Dans certains pays, la rétro-ingénierie pour des raisons d’interopérabilité est permise par la loi. Cela signifie que les développeurs peuvent légalement analyser un système pour créer des émulateurs compatibles, tant qu’ils ne copient pas directement le code protégé.
Ce qui n’est pas permis
Distribution de BIOS propriétaires :
- Distribuer des BIOS ou firmwares protégés par le droit d’auteur sans autorisation est illégal. Cela inclut les BIOS extraits directement des consoles de jeu.
ROMs et ISO de jeux :
- Les jeux vidéo (ROMs pour les consoles et ISO pour les CD/DVD) sont protégés par le droit d’auteur. Télécharger, distribuer ou utiliser des ROMs sans posséder l’original est illégal dans la plupart des juridictions. Posséder une copie physique du jeu ne donne pas automatiquement le droit de posséder une copie numérique non autorisée.
Contournement des mesures de protection :
- Les lois telles que le DMCA (Digital Millennium Copyright Act) aux États-Unis interdisent le contournement des mesures de protection contre la copie. Cela signifie que contourner des protections anti-copie pour émuler des jeux ou logiciels est illégal.
Jurisprudence notable
Sony Computer Entertainment, Inc. v. Connectix Corporation :
- En 2000, la Cour d’appel des États-Unis pour le neuvième circuit a statué en faveur de Connectix, qui avait développé un émulateur PlayStation pour PC. La cour a estimé que la rétro-ingénierie nécessaire à la création de l’émulateur était protégée par le fair use.
Sega Enterprises Ltd. v. Accolade, Inc. :
- En 1992, une cour d’appel a jugé que la rétro-ingénierie effectuée par Accolade pour rendre ses jeux compatibles avec la Sega Genesis était légale sous le principe du fair use.
L’émulation, en tant que technologie, n’est pas illégale en soi. Cependant, les aspects légaux entourant l’émulation sont complexes et varient selon les juridictions. Le développement et l’utilisation d’émulateurs respectant les lois sur le droit d’auteur et les brevets sont généralement permis. En revanche, la distribution de BIOS protégés et de ROMs sans autorisation est illégale. Les développeurs et utilisateurs doivent être conscients de ces aspects pour éviter toute violation des lois sur la propriété intellectuelle.