Et sinon les NFT, ça peut donner quoi en vrai ?

Par Maxime le 2 février 2022 à 15h42

Voilà plusieurs mois que je vois passer beaucoup de critiques particulièrement sévères à l’encontre des NFT, et comme beaucoup d’entre nous, j’ai fini par comprendre qu’un NFT permettait d’acheter tout et n’importe quoi sur Internet, comme par exemple des images ou des tweets, dans l’espoir de pouvoir les revendre ensuite à des prix astronomiques.
Puis moi aussi, j’ai lu toutes les vannes et la mauvaise presse faite autour de ce concept : spéculation, vol d’oeuvres numériques, arnaques, désastre écologique… J’ai bien lu tout ça. Alors moi aussi j’ai participé au bashing généralisé.

Puis à force, j’ai fini par me rendre compte que je participais à un truc un peu foireux, à savoir une critique massive d’un concept qu’en réalité, je ne comprenais absolument pas.

Même si je m’intéresse (de très loin) aux cryptomonnaies, je ne m’étais en réalité jamais penché sérieusement sur le sens réel des NFT… Et surtout, j’ai commencé à être assez mal à l’aise vis à vis des arguments anti-NFT qui pointent l’aspect « irrationnel » de la chose.

Irrationnel, rationnel, mais qu’est ce que ça peut bien vouloir dire ça encore ? Qui décide ce qui est rationnel ou non ?

On est toujours le « pas rationnel » d’un autre

J’ai par exemple acheté, il y a quelques semaines, une nouvelle platine vinyle. Dans la foulée j’ai dépensé quelques centaines d’euros dans des disques vinyles, d’albums que j’avais déjà achetés en CD il y a plusieurs décennies, mais surtout d’albums et de chansons que je peux déjà écouter grâce à mon abonnement Apple Music…

Pourquoi faire ? Pour l’objet ? Pour avoir un sentiment de re-posséder un album, encore plus que je ne le possède déjà grâce à mon abonnement ?
Au milieu/fin des années 2000, quand les services de streaming musicaux et vidéo ont commencé à se développer, la question de la rationalité se posait déjà… Quelle idée saugrenue de payer un abonnement pour pouvoir écouter de la musique, qui disparaitra si on cesse de payer… Les débats sur cette rationalité là faisaient déjà rage.

Et puis on peut aussi parler de la côte tarifaire fluctuante des vinyles, comme de la côte d’une carte Pokemon… Un simple bout de carton imprimé par une société privée, qui peut valoir des dizaines de milliers d’euros, parce que considérée comme suffisamment rare ou ancienne… Mais bordel, ça reste un bout de carton, duplicable à l’infini ! Et pourtant, quel marché incroyable aujourd’hui.

Cette fascination de la rareté et de la valeur du bout de carton n’a rien de nouvelle, ça a toujours existé. Dans les années 90, certaines compétitions du jeu de cartes « Magic The Gathering » auxquelles je participais, permettaient aux participants de jouer avec des cartes rares « photocopiées ». Certains avaient donc dans leurs jeux, des cartes introuvables, comme le célèbre « Lotus Noir », ce qui provoquait les moqueries des participants les plus puristes (dont j’étais).
Par contre quand un joueur possédait une vraie carte rare, alors là c’était la classe internationale ! Pour la simple possession d’un bout de carton une fois encore.

Le tirage photo, ou le trait de crayon qui change tout

Cette quête de la rationalité a encore moins de sens quand on parle d’art… Sans même parler de l’art contemporain, qui permet à certains artistes de vendre des centaines de milliers d’euros des monochromes ou des tiges en bois posées sur un socle… Le simple marché de la photographie d’art repose parfois sur une simple numérotation écrite au crayon à papier, derrière une impression photographique.

La valeur du tirage se base sur le nombre d’impressions et sur cette numérotation. Vous avez la photo numérotée 1/10 d’un tirage d’un photographe célèbre ? Banco, votre tirage vaut 120 000€ ! Vous avez la 4/10, vous êtes une quiche avec un tirage à « seulement » 30 000€. Vous avez un tirage non numéroté, sans petit papier pour l’authentifier ? Alors il vaut 40€ au mieux. C’est exactement le même objet, le même papier photo, peut-être la même imprimante. Vous pouvez la dupliquer à l’infini, et pourtant un numéro, une signature, ou un certificat d’authenticité va tout changer dans sa valeur, et dans le rapport que vous avez à cet objet. Et encore je vous passe les détails réglementaires de tout ce bordel.

On est en 2022 frère, la dématérialisation est partout

En 2022, il n’y a plus vraiment de débat autour des tirages photo… En revanche la dématérialisation est absolument partout autour de nous. C’est là que le NFT peut avoir du sens. Ma curiosité m’a donc poussé à creuser un peu cette question, que je ne comprenais jusqu’à présent pas.

J’ai donc décidé de créer un NFT à partir d’une de mes photos, et de la mettre en vente sur une plate-forme de vente de NFT. Absolument pas pour gagner de l’argent, car personne ne l’achètera j’imagine, mais pour tester le processus, et essayer de le comprendre. Ça m’a pris plusieurs heures pour mettre ce NFT en place, et clairement je suis loin d’avoir tout compris au processus.

Ensuite, pour changer un peu des points de vue ultra négatifs et moqueurs sur le NFT, je suis allé poser quelques questions à ceux qui y voient du positif. Pas nécessairement des fanatiques ou des investisseurs, simplement des amateurs curieux, qui ont un attrait pour la chose, tout en gardant le recul nécessaire.

C’est ainsi que j’ai interviewé Hugo Douchet, que je ne connaissais pas, et Joffrey Lacour, que je connais depuis longtemps et que je savais intéressé par ce sujet.

Les avis de Joffrey m’intéressaient surtout autour du NFT dans le jeu vidéo, car c’est une problématique qui fait beaucoup parler d’elle, en particulier depuis quelques jours. Quand à Hugo, c’est une approche plus générale que j’ai eu avec lui, en particulier sur les NFT et l’art numérique.

On débute tout de suite avec Hugo !


– Salut Hugo ! Tu peux te présenter vite fait ?
Salut Vincent. Je suis Senior UX & UI Designer, pour faire simple je design des interfaces.

– Depuis quand tu t’intéresses aux NFT ?
Je m’intéresse aux cryptos depuis 2017. J’ai commencé par en acheter, puis en miner un peu. Pour les NFT je m’y suis intéressé en Mars d’année dernière, j’ai senti qu’il se passait un truc et qu’il fallait creuser le sujet.

– Tu as acquis beaucoup de NFT ? Et surtout, est-ce que tu en as créé et vendu toi même ?
Non, pas beaucoup, je dois en avoir cinq que j’ai acheté parce que le style / projet me plaisait. Ca prend énormément de temps de s’y intéresser, trouver le bon projet dans lequel investir, … Il y a plus d’une centaine de nouvelles collections et des milliers d’oeuvres uniques par jour. Et oui j’en ai créé, et peu vendu. C’est ça qui est souvent occulté : il ne s’agit pas de publier un NFT pour s’assurer de sa vente, c’est bien plus complexe. Il faut se promouvoir, sortir de la masse, créer de l’intérêt, une communauté, c’est un vrai job à temps plein. Voir même plusieurs jobs, les projets qui réussissent sont souvent portés par une équipe complète.

– Quand un néophyte (un vrai) te demande ce qu’est un NFT, tu réponds quoi ?
C’est un moyen de certifier quelque chose de manière formelle, sans avoir besoin de faire confiance à un humain qui pourrait être corrompu ou simple menteur, ni même à des experts dans le cas d’une oeuvre d’art par exemple.

– J’ai lu un journaliste écrire qu’acheter un NFT était aussi rationnel que d’acheter un acte de notaire sans profiter de l’appart. Tu penses quoi de ce type de comparaison qu’on voit souvent ?

Je ne vois pas bien le rapport. C’est toi qui décide de ce que tu fais de l’appart que tu as acheté. Le NFT (token) se rapproche plus de l’acte notarial, l’usage du bien auquel il est rattaché va dépendre de ce que tu veux en faire et de ce pourquoi tu l’as acheté, rien de plus. Tu peux acheter la Joconde et la laisser au Louvre, ou la mettre dans ton salon. Elle est à toi. C’est pareil pour les NFT, tu en es propriétaire et libre d’en faire ce que tu veux.

– C’est quoi ces singes qui font la gueulent là ? Pourquoi on les voit partout ?

J’imagine que tu fais référence au Bored Ape Yatch Club (BAYC). C’est un des projets NFT les plus valorisés aujourd’hui. Quand tu achètes un Ape (singe), c’est une sorte de sésame qui te donne accès à un réseau : celui des propriétaires de BAYC. Et comme dans ce réseau il y a de plus en plus de célébrités, le sésame coûte très cher (plusieurs centaines de milliers d’euros pour un NFT). C’est pas nouveau, c’est comme un club VIP, tu appartiens dans ce cas à une communauté très privée. Ce qui est nouveau c’est d’avoir utilisé les NFT comme moyen d’authentification : tu ne peux pas tricher, si tu n’as pas de BAYC dans ton portefeuille NFT, alors tu ne fais pas partie de la communauté. Et contrairement à une carte de membre classique que tu pourrais falsifier, c’est impossible avec un NFT qui certifie que tu en es bien propriétaire. C’est l’intérêt de la blockchain. Dans le cas des BAYC, on appelle ça des collectibles : des NFT tirés à un nombre limité (10K) que tu vas collectionner.

– Justement, avant de m’y intéresser, je me disais que c’était essentiellement un truc de collectionneur, et qu’en gros, posséder un NFT rare, ou cher, était comparable à avoir une carte Pokemon ultra cotée dans un tiroir, tout en ayant conscience que c’était juste un bout de carton. Là aussi tu penses quoi de cette comparaison ?
Là dans ta comparaison, on parle des NFT collectibles. Et c’est exactement ça : au même titre qu’on peut collectionner les cartes Pokemon ou de Baseball, on peut collecter des NFT. Plus ton NFT sera rare (la rareté étant définie par différents critères selon les collections), plus il aura évidemment de la valeur. Mais on a déjà depuis des années ce genre de chose dans les jeux, la différence c’est que lorsque tu achètes un avatar dans un jeu, tu ne peux pas le revendre, il n’a aucune valeur pour toi. Quand les avatars des jeux seront des NFT (comme l’a fait Sorare avec les joueurs de foot), ce sera différents car tu pourras les revendre et les échanger.

– Pourquoi les NFT sont tant décriés ? C’est vrai que quand tu achètes un NFT tu achètes du vent ?
Ils sont principalement décriés par ceux qui ne s’y sont pas vraiment intéressés et continuent de penser que la valeur d’un NFT est purement spéculative et que c’est une aberration écologique. Il faut d’abord commencer à comprendre ce que tu achètes quand tu achètes un NFT : Un NFT c’est un token (jeton) sur une blockchain, qui contient des metadatas. Une sorte de certificat qui une fois inscrit sur la blockchain sera tracé, de sa création à sa destruction (si elle existe). Aujourd’hui on utilise principalement les NFT pour certifier des oeuvres d’Art. Comme toujours, l’Art est subjectif, la valeur que vous lui donnez ne dépend que de votre appétence pour l’oeuvre et son artiste. On a déjà vu une banane scotchée sur un mur se vendre plusieurs centaines de milliers d’euros. Et certains paient pour ça. Moi je ne l’aurais pas fait :).

C’est pareil avec les NFT, y’a rien de nouveau, juste que c’est numérique, impalpable, donc certains appellent ça du vent. C’est dans ce cas ne pas comprendre qu’une oeuvre numérique peut exister au même titre qu’un tableau : vous pouvez l’imprimer, l’afficher sur un écran, l’avoir même en fond d’écran. Rien n’empêche quelqu’un d’autre de le faire aussi, avec votre NFT, puisque celui-ci est consultable publiquement. Mais ça reviendrait à avoir une copie de la Joconde par exemple. Il n’y a qu’un et unique tableau de la Joconde. Et donc un et unique propriétaire. C’est pareil pour les NFT : Un NFT définit la propriété et la certifie. Celui qui le copie et l’utilise n’a qu’une copie, il n’en est pas propriétaire, et ce qu’il a n’a donc aucune valeur. Seul le token en a une. À partir de là, un NFT peut s’appliquer à tout ce qui a besoin d’être certifié / authentifié : Une place de cinéma, ton suivi médical, ta voiture et ses contrôles techniques, … Il faut juste se dire qu’on en est à une étape d’exploration, la même que l’on a connu dans les années 2000 quand on créait des pages HTML pleines de GIFs. C’était pas bien utile, mais on a dû passer par cette étape pour comprendre comment la techno fonctionnait, ce qu’on pourrait en faire, et créer des usages de plus en plus utiles avec le temps que l’on connait aujourd’hui. On fait pareil avec les NFT, on s’amuse, on explore, on cherche.

– C’est cette notion d’exploration et de recherche qui m’a donné envie de comprendre un peu plus l’attrait autour du NFT justement, mais du coup on dit aussi que ça consomme énormément d’énergie. C’est à dire ?
Concernant la consommation d’énergie, c’est comme pour la voiture. On a dû passer malheureusement par les moteurs thermiques avant d’arriver à l’électrique. Pour la blockchain on a fait pareil. On a dû commencer par des algorithmes utilisant des machines pour valider les transactions et les sécuriser. C’est ce qu’on appel le « Proof Of Work » (POW). C’est très gourmand en énergie, il faut des calculateurs très puissants, souvent des cartes graphiques, qui en plus de consommer beaucoup d’énergie, dégage énormément de chaleur.  Il y a aussi la question de l’obsolescence du matériel, comment on le recycle, etc … C’est donc très polluant.

Mais nous sommes en 2022, plus de 10 ans après la création du premier Bitcoin, et heureusement des projets émergent proposant des alternatives bien bien moins gourmandes en ressources en se reposant sur d’autres mécanismes de validation comme Solana qui utilise le Proof Of History (POH), ou Ethereum 2.0 que l’on attend avec impatience et qui proposera du Proof Of Stack (POS). Aujourd’hui, les NFT reposant sur Ethereum sont donc en effet polluants car POW, mais ceux reposant sur des blockchains alternatives en POH et POS ne sont pas beaucoup plus gourmandes qu’une recherche Google (source en cliquant ici). Il ne faut donc pas faire l’amalgame entre NFT au sens global et la technologie qui va les héberger car elle n’est pas unique, vous avez le choix, à vous donc d’aller vers ce qui correspond le plus à vos convictions, et de faire en sorte que ces alternatives émergent pour remplacer les anciennes.

– Pas mal d’articles pointent le fait que tout ce bordel tourne autour de la spéculation. Est-ce que tout le monde du NFT tourne autour de ça ?
Les mêmes articles qui ne comprendront pas qu’un tableau entièrement blanc avec un point rouge au milieu peut valoir des centaines de milliers d’euros.  Ca fait vendre, ça fait du click. Si on prend l’artiste NFT Beeple qui a vendu l’oeuvre NFT la plus cher de toute l’histoire ($69.3M), il faut voir l’oeuvre dans sa globalité : il s’agit d’un NFT regroupant en réalité 5000 oeuvres de l’artiste. 1 oeuvre par jour, soit 5000 jours, ou plus de 13 ans de création. Sortez les calculatrices et divisez 69M par 5K, et vous obtiendrez une valeur à pas loin de $14K par oeuvre. C’est déjà beaucoup pour énormément de personnes, moi compris, mais pas délirant sur le marché de l’art pour un artiste aujourd’hui connu. Celui qui a payé $69.3M a donc la propriété des 5000 oeuvres de l’artiste. Aujourd’hui une seule oeuvre de cet artiste se vend à plusieurs dizaines de milliers d’euros. C’était donc un bon investissement, mais la majorité retiendra la somme astronomique pour un NFT.

Si on prend ton exemple plus haut des BAYC, la valeur elle ne va pas résider dans l’oeuvre, mais ce à quoi elle donne accès : une communauté très fermée. La spéculation dans l’Art a toujours existé et encore une fois, la valeur d’une oeuvre est subjective, ce qui change c’est qu’avant ca se faisait dans des galeries ou ventes privées, entre collectionneurs avertis. Aujourd’hui, avec les NFT, la collection d’Art s’ouvre à tous le monde. Il n’y a pas de prix définit pour un NFT, vous pouvez même en créer gratuitement, c’est au créateur de lui donner de la valeur.

– Est-ce qu’on sait ce que ça peut donner dans les années à venir ? Selon toi y a des utilisations interessantes qui vont émerger ?
Sachant qu’un NFT permet de certifier ce que tu veux, les usages à venir sont illimités : place de parking, contrôle technique, suivi médical, traçabilité de la nourriture, des médicaments, de colis, … Absolument tout ce qui a besoin d’être authentifié. L’avantage que peut apporter les NFT c’est la fin de la corruption (la blockchain ne ment pas), la fin de la fraude ou autre magouilles. Avec les NFT on va aussi se rapprocher de plus en plus de standards internationaux et non nationaux comme aujourd’hui, et de fait réduire certaines différences et inégalités selon les pays. On le voit déjà avec les cryptos, ce sont les pays les plus pauvres qui les adoptent en premier car ils finissent par ne plus dépendre d’organismes privés, tout devient décentralisé.

– Les NFT c’est pour tout le monde ? On doit tous en acheter ?
Dans la définition du NFT d’aujourd’hui (sous forme d’oeuvre), non et non. Non, ce n’est pas pour tout le monde, il y a aujourd’hui une barrière technologique qui n’est pas accessible à tous. On n’achète pas encore si facilement un NFT avec sa carte bleue, mais ça arrive, des acteurs comme Stripe et Coinbase bossent là dessus pour simplifier l’accès. Et non, personne n’est obligé d’en acheter, ce n’est pas un produit de première nécessité 🙂 Si t’en veux pas, t’en achètes pas. Pour ce qui viendra demain, je vous réfère aux points précédents : un NFT est un token avec des metadatas et vous les utiliserez pour absolument tout, au même titre qu’un numéro de téléphone ou un email, aussi simplement et banalement.

– Quels créateurs peuvent avoir un intérêt à s’intéresser aux NFT ? Typiquement moi qui fais de la photo, ça a du sens pour moi ?
Oui, tout à fait, tu as des marketplaces dédiées à la photo. C’est un peu comme les galeries : la marketplace où tu vas mettre en vente et promouvoir ton NFT aura beaucoup d’importance dans son succès.

– Pour préparer cet article j’ai « créé » un NFT avec une de mes photos, quand est-ce que je deviendrai millionaire avec cette photo ?
Ahah, tu connais beaucoup d’artistes qui ont vendu plusieurs millions une seule photo, même en NFT ? Y’en a peu. Il y a bien plus de perdants que de gagnants, mais on parle toujours plus des gagnants, c’est plus spectaculaire. Mais c’est comme au Loto : 100% des gagnants ont tenté leur chance 🙂 La différence avec le Loto c’est que la valeur d’un NFT réside beaucoup soit dans la notoriété de l’artiste, soit dans la communauté (dans le cas des collectibles comme les BAYC notamment). Mais peut être qu’un jour une de tes photos se vendra des millions, je te le souhaite !

Je n’en ai d’ailleurs pas parlé jusqu’ici mais une des particularités des NFT est aussi de pouvoir s’assurer de la rémunération de l’artiste. Aujourd’hui, tu dois faire confiance à un galeriste qui va revendre une oeuvre et qui est censé reverser un pourcentage à l’artiste. Avec les NFT, vu que tout est consultable et publique, tu sais quelle part revient à l’artiste. Sur chaque revente de son oeuvre, l’artiste touchera donc un pourcentage du montant, qu’il aura défini lui-même, à vie.

– À ce sujet j’ai cru comprendre qu’un artiste qui vendait une oeuvre, pouvait toucher un pourcentage sur toutes les reventes qui sont faites de son oeuvre, à chaque nouvelle transaction, ce qui n’est pas le cas des oeuvres d’art « physiques » aujourd’hui. Ça me semble super interessant, mais est-ce que j’ai bien compris ?
Oui c’est tout à fait ça. L’artiste, au moment de la publication initiale de son oeuvre sur la blockchain, définit le % de ses royalties. Si il définit 10%, alors à chaque revente de son oeuvre, 10% lui seront reversés directement par la marketplace. Mais il y a un gros « MAIS » : il faut que la vente se passe sur la marketplace où l’artiste est référencé, sinon la commission ne lui sera pas reversée. Pour cette raison que beaucoup de collectionneurs revendent via d’autres marketplaces que celle initiale pour éviter d’avoir à imposer ces frais au futur acheteur. C’est pas bien, mais ça se fait beaucoup. Le système part d’une bonne intention mais comporte encore des failles.

– Quels sont selon toi les -vrais- problèmes avec les NFT aujourd’hui ?
Il y en a plusieurs :
– D’abord la méconnaissance du sujet : Beaucoup en parlent sans vraiment savoir de quoi il s’agit, que ce soit les détracteurs, mais aussi les créateurs eux-même. Ça mène souvent à des échanges lunaires, totalement déconnectés de la réalité.
– L’attrait pour certains des millions qui les poussent à faire n’importe quoi. Beaucoup de projets très populaires comme par exemple les DeadFellaz, Mekaverse ou les FangGang ont créé des « faux » NFT : Un NFT est censé être traçable et donc hébergé sur des technologies infalsifiables, sinon on perd tout l’intérêt de la traçabilité offerte par le NFT. Ils hébergent sur leur serveur (centralisé) le contenu de leurs NFT pour des questions marketings, pour faire du « reveal », être dans le spectacle, et ça marche. Mais ce que vous achetez n’est pas traçable et peut un jour perdre toute valeur (piratage du serveur, perte du nom de domaine, …). Privilégiez les NFT dont le contenu est décentralisé.
– Les scams, et ils sont nombreux. Il s’agit de fausses collections qui dupliquent le contenu des collections les plus connues en changeant une lettre dans le nom de celle-ci pour faire croire que vous allez acheter un original, alors que vous achetez une vulgaire copie, qui ne vaut rien. Beaucoup se font avoir, dans la précipitation et l’appat du gain.
– C’est comme tout, il va falloir du temps pour que tout ça s’organise, qu’il y ait une épuration des mauvais projets, que l’on mette en place plus de certification, de contrôle, etc … mais on y vient, et les NFT vont devenir inévitables 🙂

– Et qu’est ce que tu en attends toi, à titre personnel, dans les années à venir ?
Qu’on arrête de se focaliser sur les détracteurs, il y en aura toujours, pour tout, on ne peut pas être d’accord avec tout, et qu’on se focalise d’avantage sur les usages qui vont apporter une utilité pour tous. Les NFT sont une réponse au monde d’aujourd’hui où il y a une forte perte de confiance et où l’on ne croit plus quelqu’un qui lève la main et dit « je le jure ». Il y a trop de fraude, partout, dans tous les domaines, à différents niveaux, et les NFT sont une bonne réponse pour apporter de la sécurité et sérénité dans les transactions / échanges. Ca me semble aussi, dans la lignée des cryptos, un bon moyen de réduire les inégalités : la blockchain n’appartient à aucun gouvernement ou organisation privée, elle est ouverte, pour tous, et il me tarde de voir comment nous allons nous emparer de cette opportunité d’apporter un peu plus d’égalité et d’unité.

– Si on veut se balader pour découvrir des NFT, et potentiellement en acheter, tu conseilles quels sites ?
Tout dépend de ce que tu recherches : OpenSea est une sorte de Google qui référence tous les NFT qu’il va trouver, tu vas donc avoir un catalogue énorme, mais peu pertinent si tu es dans une démarche de recherche. Il y a de plus en plus de marketplaces de niche (photo, 3D, illustration, …) mais ce qui va compter c’est d’aller là où est ton publique, des acheteurs potentiels. SuperRare ou Foundation par exemple sont très sélectives, il faut être invité pour y publier, tu retrouves donc plus de collectionneurs qui sont là pour la valeur de l’art que pour la spéculation sur une collection. Évidemment que le but est de faire une plus-value, mais il y a plus d’investissement sur l’artiste que sur la communauté.

– Et si on est créateur et qu’on veut vendre ? Moi je me suis mis sur OpenSea parce qu’on en parle beaucoup, mais j’ai cru comprendre qu’il y avait plein d’autres plateformes. Ce sont les mêmes que pour les acheteurs ?
Pour des photos je te conseille d’aller sur une marketplace dédiée à la photo. Sur OpenSea ta photo va être noyée au milieux de millions de NFT, et à moins que tu la mettes en avant auprès de ta communauté, elle n’aura pas d’autre public. Va là où tes acheteurs te trouveront facilement. Idem pour la blockchain, aller sur une blockchain moins connue est un pari à faire, qui peut payer si elle décolle.

– Merci beaucoup Hugo !
– Avec plaisir, j’espère avoir répondu correctement à tes questions et donné envie de creuser encore plus le sujet sur les usages possibles que pourraient introduire les NFT que nous connaissons aujourd’hui 🙂


On enchaine tout de suite avec l’ami Joffrey Lacour !

– Salut Joffrey, tu peux te présenter en 2 mots ?
Je fais partie de ceux qui parlaient de Bitcoin en 2013 comme d’une révolution, avaient acheté quelques dizaines de bitcoins en 2013 avec une partie de leurs économies histoire de participer au truc, auraient éventuellement pu devenir multimillionnaires avec ces bitcoins de 2013 et beaucoup de patience, mais ont choisi de tout revendre quelques années plus tard pour s’acheter un nouvel ordinateur, voyager, et s’être dit que de toute façon 1 BTC ça ne vaudrait jamais plus de 700€.

– Tu t’intéresses aux NFT depuis longtemps ?
Pas vraiment non. Cette aventure avec les cryptomonnaies m’a fait prendre beaucoup de distance à une époque où je ne pouvais alors plus me permettre de risquer de l’argent dans quelque chose de si volatile. Si je peux certes me vanter d’avoir fait un gros bénéfice et finalement eu le nez creux à l’époque, c’était avant tout la technologie qui m’intéressait, pas la spéculation. Lorsqu’on a commencé à parler de NFT, j’y ai tout de suite vu une nouvelle façon de faire du profit, sous prétexte d’une technologie prometteuse.

– Ça t’a pris du temps à bien comprendre le fonctionnement du truc ?
Lorsque j’ai enfin pris la peine de m’y intéresser réellement pour ne pas rester sur mes aprioris, j’ai réalisé que je n’y connaissais absolument rien. Bien sûr les blockchains ne m’étaient pas inconnues, mais les smart contracts, les spécificités d’Ethereum, entre autres, c’était assez nouveau pour moi. Et clairement, il m’a fallu potasser le sujet un long moment, plusieurs weekends de suite à vrai dire, pour prétendre comprendre le fonctionnement des NFT. Et aujourd’hui encore certains aspects toujours un peu flous se précisent peu à peu. Peut-être suis-je plus lent que la moyenne, mais si l’on veut pouvoir dire « Ah mais ton NFT il est en ERC-1155 et les metadatas ne sont pas frozen, d’ailleurs t’aurais pas préféré passer par IPFS lors du mint ? » sans transpirer, il y a quand même quelques concepts à intégrer.

– Quel intérêt tu trouves là dedans ?
J’estime que même si l’on a décidé que les NFT sont un gigantesque Ponzi, qu’il faut être fou pour dépenser de l’argent dedans, que ce n’est pas écolo, qu’on peut faire un clic droit et s’approprier une image, bref, qu’on n’aime pas ça pour une raison ou une autre, il y a résolument quelque chose de fascinant. Pour ma part, ça a été premièrement d’être le spectateur de transactions à plusieurs centaines de milliers de dollars pour une image objectivement pas très jolie d’un singe ou d’un punk.

Mais au-delà de lutter contre moi-même en tentant de mettre de côté la spéculation évidente derrière de l’art somme toute discutable, j’ai creusé le sujet et admis que ça pouvait avoir un champ d’application bien plus large que ce que l’on en fait majoritairement aujourd’hui. Les NFT font partie d’un univers déjà bien établi où l’on rencontre des mots comme web3, dApp, DeFi, metaverse, DAO, etc. Difficile pour quelqu’un de passionné par les nouvelles technologies d’ignorer tout ça. Du coup, ça éveille ma curiosité, et donc mon intérêt pour les NFT.

– Pour en avoir déjà parlé avec toi, tu t’intéresses en partie à l’aspect « identité » et « reconnaissance » du NFT, tu peux m’expliquer ?
On a récemment vu fleurir des noms en .eth un peu partout sur Twitter. L’engouement pour ENS (le service qui permet d’acheter ces domaines) est assez logique : à la manière du nouveau réseau social à la mode où tout le monde veut réserver son pseudo tant qu’il en est encore temps, et lorsqu’une adresse Ethereum fait pas moins de 42 caractères hexadécimaux, si l’on souhaite prendre part à cette mouvance, autant que ça serve à quelque chose. Ainsi, pour quelques dizaines d’euros à l’heure actuelle, vous avez un nom bien plus intelligible pour votre wallet, et un NFT associé qui n’est pas un dessin moche mais littéralement un nom de domaine. Ça casse un peu l’image que l’on se fait des NFT et donne soudainement une utilité au tout. Bien sûr il reste limité en dehors de ce milieu, mais on a le sentiment d’avoir fait un premier pas vers l’acceptation d’une technologie encore nouvelle et incomprise.

Dès lors, avoir un ENS, c’est être connu sous ce nom. Et ça rejoint parfaitement le cryptobro qui justifie sa dépense de plusieurs dizaines d’Ether pour une image : il va en faire sa photo de profil hexagonale sur Twitter, l’exposera sur son OpenSea parmi ses autres acquisitions, et cet avatar de manière légitime dans le métavers au global. Après tout, qui n’a jamais acheté un t-shirt parce qu’il est cool, et qu’on veut que nos amis nous associent à ce t-shirt cool ? C’est à peu près la même chose, mais pour son identité numérique.

Seulement, posséder un objet virtuel, dans un monde où l’on peut pirater à peu près tout ce qui peut se retrouver sur Internet, c’est un concept qui a du mal à être accepté et c’est complètement légitime. Si YouTube peut supprimer une vidéo qui porte atteinte aux droits de l’auteur original, qui se sera peut-être battu pour se faire entendre, avec un système décentralisé c’est tout de suite plus compliqué. Admettre qu’un NFT est un titre de propriété qui vaut quelque chose, qui authentifie cela, n’est clairement pas chose facile, et l’on n’y arrivera qu’avec le temps et une forme d’autorité attribuée aux tokens en question.

– En tant qu’amateur de jeux vidéo, qu’est ce que les NFT pourront apporter à mon expérience de joueur selon toi ?
Je suis partagé entre le fait que c’est une très mauvaise idée, et qu’en même temps ça pourrait avoir une réelle utilité. Il y a de nombreux jeux, comme CryptoKitties ou Axie Infinity, qui utilisent les blockchains et les NFT pour certifier un objet digital et son possesseur. Mais ce sont des jeux où il faut payer, beaucoup, pour y prendre part. Et bien souvent on y joue pour faire de l’argent, pas parce que le jeu est objectivement fun. Maintenant, certains joueurs de Counter-Strike, par exemple, dépensent déjà beaucoup pour acquérir un couteau rare. Les blockchains pourraient permettre de sortir d’un système fermé tout en garantissant qu’on ne se fait pas scammer.

Je ne dis pas que c’est une solution, ni que ce jeu est particulièrement concerné par ce problème, seulement que la logique des NFT s’appliquerait très bien dans un univers où l’on échange des objets intangibles. Mais les récentes actualités ont tendance à démontrer que les gamers ne sont pas du tout prêts à ce que les éditeurs de jeux vidéo profitent de cette nouvelle manne pour soutirer toujours plus d’argent à leur public, d’autant plus lorsque les microtransactions sont toujours un sujet bouillant. Et puis, cette histoire de métavers, ça ressemble quand même beaucoup à Second Life, non ?

– Tu imagines ça comme un truc révolutionnaire, ou juste un truc en plus ?
Quoi qu’on en pense, c’est une révolution. Les NFT sont une technologie comme d’autres qui n’ont pas eu besoin de répondre à un besoin pour exister et devenir ce qu’elles sont aujourd’hui, c’est-à-dire oubliées ou faisant désormais partie intégrante de notre quotidien.

– Pourquoi on fait un tel foin des NFT selon toi ?
On assiste actuellement à une confrontation entre les anti-NFT et les pro-NFT. Tout le monde y va de son point de vue, avec plus ou moins de connaissances sur le sujet, et personne ne s’écoute vraiment. C’est certain que si j’avais dépensé une importante somme dans l’acquisition d’un NFT de RTFKT et Murakami, ça me peinerait de m’entendre dire que c’est moche, que c’est de l’argent foutu en l’air, et que « regarde moi aussi je peux l’avoir ton image en faisant gratuitement un screenshot ». À l’inverse, il y a de quoi se poser des questions sur la technologie en elle-même qui, malgré ce à quoi elle aspire, n’empêche définitivement pas les scams d’exister, ni d’être reconnu comme le seul propriétaire d’un JPEG.

RTFKT x Murakami

– Tu y vois quand même des limites ou des aspects négatifs ?
L’incompréhension par le grand public pourrait être une limite. Ça n’empêchera jamais à tout ce petit monde des cryptos de s’impliquer davantage dans les NFT, mais même si toutes les générations ont désormais entendu parler de cryptomonnaies, rares sont ceux qui ont osé s’y aventurer. Les NFT ont bénéficié d’une grande exposition médiatique dernièrement, avec ses raccourcis et tentatives de vulgarisation parfois maladroites, et beaucoup s’arrêtent là, à la caricature ou aux mèmes qui en découlent. J’estime que ça pourrait avoir un plus grand avenir si l’on commençait par trouver des domaines d’application plus réels, plus concrets. StockX est par exemple en train d’associer de vraies sneakers à leur NFT, qu’il est alors possible de revendre sans même avoir eu la paire entre les mains. Ils servent ainsi à authentifier l’origine d’un objet physique, tout en étant complètement dématérialisés.

Je trouve ça génial.

– Merci beaucoup Joffrey !
Merci à toi !


Faut conclure maintenant c’est trop long wesh

On va tout de suite préciser que le seul intérêt de cet article est d’essayer de comprendre ce que certains peuvent trouver de positif aux NFT, donc il y a évidemment une part massive de subjectivité dans tout ça.

Ces deux points de vue sont forcément discutables. D’ailleurs, au sein même de la communauté des amateurs de NFT, les débats sont parfois houleux. Tout le monde est loin d’être d’accord sur tout, même sur des aspects purement techniques, liés aux technologies par exemples, ou à la consommation énergétique. Ce sont justement ces débats internes qui agitent ces passionnés, qui font que les NFT évoluent en permanence.

La question qui se posera toujours, c’est au-delà de l’existence même du NFT, de savoir ce que les gens vont en faire. Ce qui ressort le plus aujourd’hui d’un point de vue médiatique, et dans la perception du grand public, ce sont les arnaques, la spéculation, le vol d’œuvres numériques, la surconsommation d’énergie… Mais c’est toujours la même chose, les malfaiteurs et ceux qui cherchent à détourner le système sont toujours présents pour essayer d’exploiter des nouvelles technologies, ça ne veut pas dire que ces technologies se limitent uniquement à ces détournements et à ces arnaques.

Savez-vous qu’aujourd’hui environs 90% des e-mails échangés dans le monde sont du spam, que ça soit du spam publicitaire ou des arnaques. Est-ce que cette donnée invalide l’intérêt et la viabilité même du concept même d’e-mail ? Bien sûr que non.

Alors certes le NFT est loin d’être aujourd’hui aussi incontournable que l’e-mail, mais laissons peut-être aux amateurs de ces technologies, la chance d’en inventer des usages qui auront du sens dans les années à venir ?

Et s’ils ne trouvent pas, tant pis, on passera à autre chose.

Merci encore à Hugo à Joffrey pour leurs réponses à mes questions !